Actualité de l'Andeva, l'association nationale de défense des victimes de l'amiante et autres maladies professionnelles
L’usine Péchiney du Giffre se trouve dans la vallée du même nom, au centre d’un triangle formé par trois villages de Haute Savoie : Saint Jeoire, Mieussy et Marignier. Ou plutôt « se trouvait ». Car depuis qu’elle a fermé ses portes en 1994, les bâtiments qui la composaient ont peu à peu disparu du paysage. De son histoire parsemée de grèves et d’accidents, il ne reste plus aujourd’hui que quelques ruines oubliées au bord de la rivière du Giffre. Et aussi quelques millions de fibres d’amiante disséminées dans la vallée, mais aussi dans les poumons de ceux qui y ont travaillé toute leur vie. Avec une notable différence entre les deux cas : celles de la seconde sorte ne seront pas emportées par le vent. Elles sont là pour rester.
Il y avait beaucoup d’amiante à l’usine du Giffre. Il y en avait d’abord dans les protections des gaines qui alimentaient le refroidissement à l’intérieur des fours, dans les filtres de poussières, dans les manchettes de protection des fûts... Il y en avait aussi dans la composition des combinaisons qui protégeaient ceux qui travaillaient à proximité. Il y en avait dans la structure même des bâtiments. Certains pensent d’ailleurs que c’est le coût d’un inévitable désamiantage qui a conduit à la fermeture de l’usine.
Les maladies liées à l’inhalation de fibres d’amiante occupent désormais tous les esprits de ceux qui y ont travaillé et les ont poussé à créer une association locale : le Caper du Giffre. C’est Roland Glière, ancien délégué CGT de l’usine, qui en est à l’origine et continue d’en assumer la présidence. On pourrait dire, en quelque sorte, que Roland continue à s’occuper des anciens de l’usine comme il le faisait du temps où il travaillait sur le site, « quand il y avait un coup dur ».
Le Caper s’est créé en juillet 2006, en association avec la section mutualiste de l’entreprise avec un objectif précis : ne pas attendre que les anciens salariés de l’usine développent les premiers signes de la maladie et faire en sorte qu’ils obtiennent dès que possible une attestation d’exposition. « C’est devenu beaucoup plus simple depuis que le médecin du travail est en retraite ! » dit-on par ici avec malice.
Depuis lors, le Caper suit de près les anciens de l’usine Pechiney du Giffre en les aidant à obtenir un suivi médical post professionnel, puis en traitant lui-même les dossiers d’indemnisation lorsque la maladie apparait. L’association propose aussi son aide aux familles des victimes et à toute autre personne concernée par l’amiante. Mais son action ne s’arrête pas là. Elle s’engage également dans tous les combats nationaux et internationaux aux côtés de l’Andeva. Ainsi, en 2013, le Caper a participé au rassemblement de Genève à l’occasion de la convention de Rotterdam et il s’est rendu à Turin pour soutenir les victimes italiennes de Casale Monferrato dans leur procès contre Eternit.
Chaque mois, le Caper se réunit à la salle des fêtes de Saint Jeoire pour étudier en commission les dossiers en cours. 20 ans après la fermeture de l’usine, les anciens savent qu’ils ne sont pas à l’abri de la découverte d’une pathologie et qu’ils ne le seront pas avant longtemps vu le temps de latence exceptionnellement long des maladies de l’amiante. Dix-sept cas, mêlant plaques pleurales, mésothéliomes et cancers broncho-pulmonaires, ont ainsi pu être détectés depuis la création de l’association.
Après ces réunions hebdomadaire, l’équipe du Caper, amis autant que collègues, se rend ensemble au restaurant. « Chacun paye sa part, c’est la règle » précisent Roland et Alain. La cohésion est ainsi maintenue parmi cette équipe soudée d’une dizaine de personnes.
Il y a cependant une personne qui manque à l'appel ces derniers mois. Il s'appelait jacques Betaz. Il avait travaillé à l'usine du Giffre ou il avait des fonctions syndicales et au sein du CHSCT. Au Caper, c'est lui qui rédigeait les comptes rendus de séances. C'est également lui qui représentait tous les ans le Caper à l'Assemblée générale de l'Andeva à Paris. Sa générosité et son dévouement resteront dans toutes les mémoires.