Actualité de l'Andeva, l'association nationale de défense des victimes de l'amiante et autres maladies professionnelles
Le contexte.
Les élus et bénévoles issus de 30 associations locales adhérentes à l’Andeva se sont réunis en congrès les 26 et 27 juin à Saint Pierre d’Oléron.
150 personnes se sont déplacées de la France entière, de Dunkerque à Martigues en passant par Brest, Saint Nazaire ou Charleville Mézières, pour se retrouver dans le centre CAES du CNRS, près de la petite ville de Boyardville, rendue célèbre par le fort du même nom.
L’accueil s’est fait à partir du jeudi 25 juin dans l’après-midi, ce qui a permis aux congressistes de passer une fin de journée conviviale où chacun pouvait échanger tout à loisir avec ses collègues venus d’autres régions. C’est tout l’intérêt de ce type de réunion où les échanges informels devant un verre apportent autant que ceux, plus officiels, des salles de réunion. Ils rapprochent ceux que la distance géographique éloigne le reste du temps, et participent grandement à la cohésion d’un réseau tel que celui de l’Andeva. C’est en tout cas une formule qui a recueilli l’adhésion de l’assistance.
Le Suivi Médical Post Professionnel (SPP).
La première table ronde du vendredi 26 était consacrée au suivi médical post professionnel que tous s’accordent à considérer très en deçà de ce qu’il devrait être. Elle réunissait Alain Bobbio (Andeva, Addeva93), Pascal Canu (Andeva, Adeva Cherbourg), Bernard Grand (Caper Auvergne). De nombreux exemples ont été fournis qui tendent à prouver que ce dispositif est actuellement dramatiquement sous exploité et ne permet pas d’obtenir une lecture juste des expositions professionnelles. Pascal Canu a évoqué le désengagement du ministère de la défense sur le SPP des anciens de la Navale. Dans la Manche, on n’a recensé que trente demandes de suivi post-professionnel pour une région comportant des milliers de personnes exposées. Même constat en Seine St Denis, département pourtant très industrialisé, ou il n’y a eu 24 demandes en 2014. On assiste là à une situation d’effritement particulièrement grave.
Bernard Grand du Caper Auvergne a présenté l’expérience locale de son association, très impliquée sur ce dossier. Il a listé les problèmes qui se sont posés localement et la manière dont ils ont tenté de les résoudre et qui consiste entre autres à ne jamais perdre le contact, ni avec les autorités médicales régionales, ni avec les anciens salariés exposés.
Après avoir effectué un diagnostic sur les raisons de ce dysfonctionnement (manque d’informations sur leurs droits pour les personnes concernées, problèmes financiers, etc), diverses solutions ont été envisagées pour une relance du système. Par exemple, instaurer une visite médicale de fin de carrière avec un récapitulatif des expositions et une information sur le droit au SPP, puis envoi à tous les jeunes retraités d’un questionnaire sur leurs expositions professionnelles (hors bénéficiaires de l’Acaata).
Par ailleurs, il a été fait mention d’une étude scientifique américaine sur les gros fumeurs tendant à prouver le bénéfice médical d’un dispositif de surveillance sérieux, et d’une seconde étude (Normandie et Aquitaine) qui montre qu’à exposition égale, les porteurs de plaques pleurales ont davantage de chance que les autres de développer un cancer. Il faudrait donc introduire un suivi particulier pour ceux-là.
Accompagnement des malades et des aidants
Cette seconde table ronde, introduite par Pierre Pluta était animée par Marie José Voisin. Elle a réuni les Dunkerquoises Yveline Ardhuin et Marie Thèrèse Dumayon, Eric Wasielewski du réseau Mesoclin, ainsi que Giusepe Manfredi, Giovanni Cappa de l’Afeva (Italie).
Il a largement été question de la rencontre qui a eu lieu le 11 juin à Lille avec les responsables du réseau Mésoclin et les infirmières de l’hôpital. Eric Wasielewski, administrateur du réseau Mesoclin, est venu expliquer son fonctionnement, et ses ambitions. Son principal objectif est la prise en charge des patients avec la même qualité de soin sur l’ensemble du territoire français pour éviter les pertes de chance thérapeutiques. Il s’agit également de faire avancer la recherche et de faire remonter les informations en provenance des associations.
L’expérience Italienne en la matière a été exposée par les trois invités arrivés de Casale Monferrato.
Giusepe Manfredi et Giovanni Cappa, tous deux atteints de mésothéliomes étaient accompagnés de Nicola Pondrano, l’un des trois principaux responsables de l’Afeva. Il semble qu’il y ait beaucoup d’enseignements à tirer de la très positive expérience italienne sur cette question. L’accompagnement personnalisé des malades sur le long terme est là-bas une question très suivie, et ceux-ci ont également la possibilité d’intégrer un groupe spécifique qui leur permet de bénéficier de traitements expérimentaux.
En 2015, une étude réalisée en France sur 445 patients a évalué l’intérêt d’un nouveau médicament qui bloque la vascularisation de la tumeur du mésothéliome. Les résultats ont été concluants et montrent une légère augmentation de l’espérance de vie. D’autres pistes telles que le traitement d’entretien contre les cellules souches (qui sont peu accessibles et servent à la tumeur à redémarrer son développement suite à une intervention) et la technique de la décortication ont été abordées.
Comme l’a souligné Pierre Pluta, les résultats actuels, quoique encore modestes, de ces recherches permettent cependant de pouvoir enfin apporter de l’espoir aux victimes de mésothéliomes, chose qui jusque-là n’était pas envisageable.
Bilan et leçons à tirer de l’affaire de l’amiante.
La troisième et dernière table ronde de la journée portait sur le bilan de l’affaire de l’amiante. Ce bilan peut être apprécié de manière différente par chacun selon sa position sur l’échiquier social, c’est pourquoi de nombreux invités nous avaient rejoints afin de donner leur éclairage particulier sur cette affaire majeure de santé publique. Elle réunissait Serge Journaud (CGT), Nicolas Souveton (FMNF), Claude Nicolet (Assistant parlementaire de Christian Hutin), Suzanne Tallard (PS) et Thomas Fatome (DSS).
Cette tribune était animée par Jacques Faugeron et François Desriaux.
Le sens de ce débat était de cibler les avancées que l’affaire de l’amiante avait permis en matière de santé au travail, de savoir si le sort des victimes professionnelles s’était amélioré grâce à ce dossier, et de définir des pistes d’amélioration pour l’avenir.
Pour Serge Journoud (1), il faut chercher en toutes occasions à développer une cohérence dans nos revendications. Le combat contre le « mal au travail », est à recommencer sans cesse. Il y a urgence à prévenir les accidents et maladies en amont plutôt que de courir après les dégâts causés.
Pour Nicolas Souveton (2), le scandale de l’amiante a permis de montrer qu’on peut s’attaquer à des pouvoirs très forts et l’emporter. Pour cela, pour réussir à contrer ces lobbys particulièrement puissants, nous devons présenter un front uni entre associations, mutuelles, organisations syndicales et médecins. Il a aussi mis en avant le rôle déterminant des lanceurs d’alerte.
Claude Nicolet (3) a pointé du doigt les contradictions et des contraintes de nature financières : on ne peut pas mettre en place une politique d’austérité sans toucher aux indemnités des victimes.
Il a évoqué les salariés qui s’opposent à certaines revendications car ils craignent pour leur emploi,
les maires qui s’opposent aux mesures de prévention par peur d’un effondrement de l’immobilier.
Il a rappelé que les maladies de l’amiante touchent les catégories populaires qui sont les moins écoutées par les pouvoir publics.
Suzanne Tallard (4) a tenu à remercier Claude Fabien, le président de l’Addeva 17, résidente à La Rochelle. Elle a rappelé qu’une usine Alsthom se trouvait sur sa commune et qu’elle se trouvait donc très concernée en tant qu’élue locale. Elle a évoqué les phytosanitaires qui sont extrêmement dangereux et qui devraient bénéficier à l’avenir des meures d’indemnisation et de protection inventées pour l’amiante.
Thomas Fatome (5) a rappelé tout ce que l’affaire de l’amiante avait fait au niveau national pour rapprocher les problématiques de santé avec celles liées au travail, ce qui n’était pas le cas auparavant. Il a salué le secteur associatif qui, à travers l’action de l’Andeva, le Ciss ou la Fnath, pris un poids qui n’existait pas il y a 20 ans.
Il est revenu sur l’envoi des questionnaires d’exposition aux allocataires de l’Acaata qui a provoqué beaucoup de questions parmi ces allocataires dont certains étaient déjà atteints de maladies de l’amiante. Il a pris acte de ces problèmes et a annoncé pour septembre 2015 une seconde vague de courriers à destinations d’autres catégories de retraités. Pour finir, il a accepté le prncipe d'une rencontre entre l’Andeva, la DSS et le ministère durant le second semestre 2015 pour évoquer un certain nombre de problèmes listés durant le débat.
(1)membre de la confédération CGT, Fédération des travailleurs de la métallurgie.
(2)conseiller du président de la Fédération des mutuelles de France, responsable du pôle coordination des actions politiques en lien avec le livre 3 de la mutualité. Est également élu mutualiste dans l’Isère en lien avec les problématiques de santé plutôt chez les jeunes.
(3)attaché parlementaire de Jean Pierre HUTIN, responsable du groupe parlementaire amiante à l’assemblée nationale.
(4)originaire de La Rochelle, députée PS de Charente maritime, membre de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire.
(5)anciennement conseiller chargé de la santé, de la dépendance et des politiques sociales à l’Elysée il est actuellement directeur à la DSS (direction de la sécurité sociale) au ministère de la santé.
Deux autres sujets ont été abordés durant cette journée.
Le dossier pénal dont les difficultés actuelles ont été commentées par Pierre Pluta et Alain Bobbio avec les interventions des avocats présents ; Sylvie Topaloff, Michel Ledoux et François Lafforgue. Nos invités italiens sont revenus sur les arrêts de la cour de cassation de Rome. Ils en ont expliqué les répercussions sur la position des victimes italiennes et ont expliqués comment celles-ci ont décidé de réagir.
Sur le dossier de la prévention, Alain Bobbio a fait un rapide bilan sur l’état de la législation actuelle.