Actualité de l'Andeva, l'association nationale de défense des victimes de l'amiante et autres maladies professionnelles
« J’ai fait ce film pour donner à la parole à ceux que la justice ne veut pas entendre » déclare Philippe PICHON, auteur et réalisateur. Ce film, c’est « L’amiante en Quête de Justice », un reportage sur ceux qui espèrent encore un procès pénal de l’amiante à Condé sur Noireau. Accompagné par de nombreux témoignages d’anciens des usines Férodo, Valéo et Honeywell, il sera diffusé sur France 3 Normandie le 7 octobre à 23h00 et le 11 octobre à 09h15. En attendant, espérons-le, une diffusion nationale.
Il a été présenté en avant-première le 17 septembre à Condé sur Noireau au cinéma Le Royal devant une nombreuse assistance essentiellement composée de victimes de l’amiante et de familles de victimes.
C’est Jean-Claude Barbe, de l’Aldeva Condé Flers, 32 ans de travail dans les usines de Condé sur Noireau, qui a servi de grand témoin et de guide dans cette aventure. Guy Cantimpre, ancien de l’usine Férodo, et Daniel Lequest, de l’usine de Rocray dans la trop fameuse « vallée de la mort » et qui a perdu son épouse d’un mésothéliome il y a deux ans, ont eux aussi longuement témoigné.
Pour la préparation de son film, Philippe Pichon a également rencontré François Desriaux, vice-président de l’Andeva, ainsi que Sylvie Topaloff et Michel Ledoux, avocats de l’association.
La projection s’est déroulée devant une salle pleine. A la fin de la séance, nombreux sont ceux qui ont tenu à venir s’exprimer. Voici quelques uns des magnifiques témoignages qu'ils ont laissés :
« L’Amiante, en quête de vérité » est une véritable enquête sur la face cachée d’une mort pourtant annoncée. Cette tragédie nationale sous fond de lobbying, de non-dits, de langues de bois politiques et industrielles, de serment d’Hippocrate bafoué, relate sans misérabilisme le combat d’une vie d’ouvrières et d’ouvriers normands. Ces travailleurs de la vallée de la Mort ont eu pour seule malchance de côtoyer, sans le savoir, un poison comparable à une bombe à retardement.
Ce documentaire nous dévoile notamment l’injustice au sein de la Justice, des responsables irresponsables, des crimes impunis, des usines fantômes toujours polluantes mais surtout des hommes, ces guerriers de l’amiante dont l’unique victoire est de rester en vie avec cette peur omniprésente que la lumière s’éteigne définitivement sur cette anti-chambre de l’enfer faute d’avoir été entendus.
Ce reportage est donc l’espoir que le combat continue ».
Fabienne, spectatrice.
« Ce film montre bien la situation telle qu’on la vit. L’angoisse et la douleur des personnes qui ont des proches, des collègues qui sont décédés à cause de l’amiante. L’amertume, parce que la justice ne veut pas reconnaître la responsabilité pénale des chefs d’entreprises. La désolation et l’inquiétude quand on voit ces bâtiments abandonnés, accessibles à tout le monde et non dépollués ».
Josette, victime de l’amiante
« J'ai été très touchée et émue par ce documentaire si réaliste sur la vie des ouvriers Férodo dans la Vallée de la Vère et sur les autres sites.
Quand j'ai vu l'usine du Platfond, des souvenirs de mon enfance sont apparus. Ceux du travail de mes sœurs, Jacqueline et Annick, plus âgées que moi d'une dizaine d'années. Après leur certificat d'études, dans les années 50, elles sont allées travailler chez Férodo au Platfond poste en 2x8. Elles me parlaient de leur métier, du tissage de bobine d'amiante, de la chaleur et de la poussière dans leur atelier, des primes de production, de la bonne camaraderie qu'il y régnait. En fin de semaine elles ramenaient leurs blouses à la maison, les secouaient pour les dépoussiérer avant le lavage (Normal !) Leurs cheveux étaient souvent blancs à cause de cette poussière d'amiante. J'ai toujours en mémoire de les voir avec une pince à épiler se retirer des piquets d'amiante (c'était leur mot) sur les mains et les avant-bras. Il ne fallait pas les garder sous la peau ? La pince à épiler avait normalement un autre usage ! A cette époque, il n’y avait pas de protection. Les masques comme présentés dans le documentaire sont arrivés beaucoup plus tard. Elles ne pouvaient pas les garder longtemps. Ils devenaient vite humides avec la transpiration.
Je me souviens aussi qu’elles parlaient d'une grève qui avait stoppé la production, des menaces si elles ne reprenaient pas leur travail. Le jeudi, j'aimais aussi aller les chercher à leur retour du travail, rue du Vieux Château. Elles sortaient d'un vieux camion bâché qui faisait le ramassage des ouvriers dans les différents sites de la Vallée.
Elles étaient courageuses, joyeuses et si jeunes. Là encore, la camaraderie était présente.
Ce que je croyais joyeux avec mes yeux d'enfant est devenu un drame, un cauchemar des décennies plus tard. Jacqueline est décédée de l'amiante en 95 à l'âge de 57 ans, Annick vient de nous quitter le mois dernier, elle aussi très amiantée. Elle avait 79 ans.
Moi, la petite dernière, je les ai accompagnées dans leur fin de vie.
Si je suis là ce soir c'est pour leur rendre hommage et à tous ceux qui sont disparus avant elles. Merci à Mr Pichon pour ce documentaire et à tous les participants.
En 2007, après une bronchite qui ne guérissait pas, des radios ont été demandées, puis un scanner verdict : Madame vous avez des plaques pleurales. Je suis reconnue victime de l'amiante sans jamais y avoir travailler, à cause des blouses ramenées au domicile de nos parents. Une autre sœur aussi en est victime pour les mêmes raisons.
Merci à tous ceux qui se battent pour qu'il y ait un procès au pénal. »
Antoinette Roussel
« Le film m’a beaucoup émue, car j’ai appris que les personnes qui souffrent de l’amiante vivent une terrible injustice et ceux qui sont décédés ne reposeront jamais totalement en paix temps que la justice n’aura pas fait son travail. »
Thais, 14 ans
« Il y a eu deux minutes de silence.
La première, juste avant la projection est déjà un moment fort.
La deuxième, inattendue et tellement symbolique à la fin de la projection, comme si tout le monde s'arrête de respirer, le souffle coupé, un comble après un reportage sur ce que l'amiante fait subir à ces ouvriers et à ces familles.
L'état et la société s'insurgent lorsqu'il il y a environ 3000 morts de la route, lorsqu'il y a environ 15000 morts de la canicule en 2013. Alors c'est tout un processus étatique d'alerte, de prévention et de sensibilisation qui se met en place sur tout le territoire national... Là, c'est plus de 100 000 morts, à bout de souffle à cause de l'utilisation, de la transformation de cette fibre tueuse et rien ne se passe. La justice ne se saisit pas. Les cols blancs (de la même couleur que cette amiante) restent bien au chaud dans leur confort doré. Pour poursuivre cette analogie, il en est de même pour ces pseudo docteurs, les Raffaeli qui ont agi en toute connaissance de cause, sachant la dangerosité de l'amiante. Comme ces nazis qui accompagnaient les déportés dans les camps de la mort. Mais eux ils ont été jugés coupable, pas comme les Raffaeli et autres dirigeants qui ne sont maintenant au pire que des témoins assistés. Comment peuvent-ils dormir ?
Personne n'a le monopole de la maladie ou de la tristesse d'avoir perdu parfois plusieurs proches (grands parents, oncles et tantes, amis), mais pour leur mémoire, parce que nous nous rappelons leurs souffrances et leur souffle court qui nous manque, comme nous l'entendons dans ce reportage.
Vous êtes des combattants, ne cessez pas votre combat vers la justice.
Après tout, cette justice applique des lois votées par nos élus de la république allant jusqu'au bien-être animal, pourquoi n'en ferait-elle pas autant pour les hommes et les femmes qui meurent du profit des entreprises ? Sauf si, comme le soulève le journaliste du point, c'est presque une normalité française de négliger les ouvriers !
Merci beaucoup à cette équipe de journalistes pour leur travail.
Barbé Christophe
« Que d’émotions dans ce reportage ! Une pensée pour ceux qui nous ont quittés et que nous avons accompagnés dans la maladie avec beaucoup de souffrance. Merci à toutes les personnes qui ont apporté leur témoignage pour la réalisation de ce film. »
Mireille ALMIN
"Bravo à toute l’équipe qui a participé à la réalisation de ce documentaire « Amiante, en quête de justice » ; Les témoignages d’anciens salariés, de journalistes, d’avocats, de responsables de l’Andeva démontrent bien ce qu’est ce scandale de l’AMIANTE.
Rien n’est laissé au hasard :
- L’inhalation des poussières fines,
- La désinformation et les mensonges de la part des employeurs,
- Les manquements et l’absence de prise de décision de la part de l’état , de la CPAM, de la médecine du travail, des instance représentatives,
- La puissance du CPA et sa façon d’agir,
- La souffrance des victimes et aussi de leurs familles qui assistent et perdent leurs proches,
- La catastrophe environnementale : friches industrielles, décharges sauvages…,
- La lenteur administrative et l’incompréhension face aux décisions de justice.
Bref, c’est un constat sans ambiguïté, vraiment, merci à tous pour ce film et cette diffusion grand public."
Janick SUZANNE (ancien salarié Condé de juillet 1981 à janvier 2013)
"Félicitation pour cette réunion. Nous avons apprécié la diffusion de ce film et apprécions aussi vos réactions lors de certaines questions. Ou est donc la justice de notre pays ?
Remerciements à tous, nous sommes avec vous."
Mr et Mme Georges DESCHAMPS