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Le blog de l'Andeva

Les grands récits : Andeva VS Canada (première partie)

11 Août 2022, 09:48am

Le gouvernement canadien a tenu pendant de nombreuses années un double langage dont les conséquences pour la vie de centaines de milliers de personnes ont été dramatiques. Ce double langage consistait en une limitation drastique de l’utilisation de l’amiante sur son territoire canadien, tout en le produisant et l’exportant hors de son territoire en prétendant qu’il n’était pas dangereux et pouvait être utilisé de manière « sécuritaire ». Découvrez comment, malgré les menaces, l’Andeva s’est chargée à l’époque de dénoncer ce dangereux mensonge.  

Au fil de son histoire, le Canada a exporté à travers le monde plus de 60 millions de tonnes d’amiante. Dans les années 2000, alors que l’amiante était interdit dans l’Union européenne, il continuait cependant d’exporter vers les pays en expansion les plus vulnérables : Inde, Pakistan, Indonésie, Thaïlande...
Dans ces pays abusés par la propagande mensongère du Canada n’existait pas de législation protectrice. Les travailleurs étaient exposés dans des conditions atroces. Les informer du danger était mauvais pour le commerce… Ces pays n’avaient ni registre des maladies professionnelles fiable ni registre des cancers. Impossible de comptabiliser les victimes.

Pour prolonger cet état de fait, le Canada mettait systématiquement son véto à l’inscription de l’amiante chrysotile sur la liste officielle des produits dangereux lors de la convention internationale de Rotterdam destinée à améliorer l’information et la prévention au niveau international contre les produits dangereux.

Le but du gouvernement canadien était simple : il s’agissait de protéger l’industrie pourtant moribonde des mines d’amiante du Québec et ses 500 emplois (!) au détriment de la santé publique et en totale connivence avec l’Institut de l’amiante, rebaptisé « Institut du chrysotile » en 2003, cousin du tristement célèbre « comité permanent amiante » français et tout comme lui organe de lobbying et de désinformation des industriels, épaulé par le gouvernement. Le gouvernement canadien, non content de forcer les pays en voie de développement à consommer de l’amiante, voulait ainsi empêcher l’information sur les risques et la prévention, qui risquerait de nuire au commerce.

Rappelons que le gouvernement canadien était allé jusqu’à déposer une plainte devant l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) contre la décision d’interdiction de l’amiante en France. Cette plainte ayant été rejetée en septembre 2000 et en appel en mars 2001.
 

Limiter l’utilisation de l’amiante au Canada... le promouvoir ailleurs.

Pourtant, au Canada, à la même époque, la vente de produits de consommation contenant des fibres d’amiante ou d’amiante pure était strictement interdite en vertu de la Loi sur les produits dangereux. Le site officiel du ministère de la santé canadien indiquait que « Santé Canada » encourage les responsables provinciaux de la santé au travail à imposer des limites strictes en ce qui concerne l’exposition des travailleurs à l’amiante. En outre, les émissions d’amiante dans l’environnement associées à l’exploitation minière et au broyage de minerai étaient assujetties à la Loi canadienne sur la protection de l’environnement (protection de l’environnement canadien bien sûr).

Par contre le gouvernement canadien ne se privait pas de mandater l’Institut du chrysotile pour promouvoir la consommation de l’amiante dans des pays comme l’Inde, la Thailande ou l’Indonésie. Il prétendait aussi œuvrer pour « l’usage sécuritaire » de l’amiante dans ces pays. En fait aucun de ces députés n’avait jamais mis les pieds dans une usine de transformation d’amiante ou sur un chantier où l’amiante est présent dans ces pays. Ils étaient d’ailleurs incapables de commencer à expliquer en quoi consistait ce qu’ils nommaient « usage sécuritaire » de l’amiante.

De leur côté, les scientifiques canadiens, bien que subissant de nombreuses tentatives de muselage, venant tant des industriels que du gouvernement, n’avaient pas sur l’amiante chrysotile une position différente du consensus international.

Quand ils publient une étude épidémiologique à la fin des années 2000, ils constatent que le Québec, pourtant seulement exposé au « gentil amiante canadien », jouit du privilège d’avoir un des plus forts taux de mortalité par mésothéliome sur la planète.
D’ailleurs, en octobre 2008 le Journal de l’Association Médicale Canadienne publie un éditorial intitulé « La mortalité liée à l’amiante : une exportation canadienne ». On peut y lire « Prétendre pour le Canada que l’Inde, la Thaïlande et l’Indonésie peuvent réussir à gérer l’amiante en toute sécurité lorsque les pays industrialisés ont échoué, c’est fantasmer » et un peu plus loin « Le gouvernement du Canada semble avoir calculé qu’il est préférable pour l’industrie de l’amiante du Canada d’agir dans l’ombre comme des marchands d’armes, sans égard aux conséquences mortelles. Il ne pourrait y avoir plus claire indication que le gouvernement sait que ses agissements sont scandaleux et répréhensibles ».

L’Andeva entre dans la danse

En septembre 2007, le Bulletin de l’Andeva N° 24 publie un dossier : « L’Amiante au Canada : une industrie meurtrière et moribonde ». Il y dénonce le double langage des autorités canadiennes qui avaient pratiquement cessé d’utiliser l’amiante sur leur territoire mais maintenait une politique agressive d’exportation de l’amiante canadien vers les pays en voie de développement. Il pointe aussi le rôle de l’Institut du chrysotile : « Selon ses propres mots l’Institut de l’Amiante, créé en 1984, et rebaptisé hypocritement Institut du Chrysotile est un « organisme sans but lucratif, dirigé par un conseil d’administration formé de représentants des milieux industriel, syndical et gouvernemental. ». […] l’Institut de l’Amiante est un organe très actif de propagande et de corruption, qui n’hésite pas à financer des études tendant à minimiser autant que faire se peut les effets toxiques de l’amiante et surtout à en promouvoir le fameux « usage sécuritaire » (le slogan du CPA était « usage contrôlé ») ».
La mise en ligne de l’article sur le site Internet de l’Andeva lui vaut aussitôt une mise en demeure des avocats de l’Institut du Chrysotile, le 26 novembre 2007, suivie d’une plainte en diffamation avec constitution de partie civile le 30 novembre 2007.

Après avoir répondu aux questions d’un officier de police judiciaire, François Desriaux, alors directeur de publication du Bulletin de l’Andeva, et Marc Hindry, auteur de l’article sont convoqués début juillet chez un juge, qui leur signifie leur mise en examen pour diffamation et complicité de diffamation.
Le 19 janvier 2009 ils reçoivent une «  citation à prévenu  », les convoquant pour être jugés le 3 mars 2009 au Palais de Justice, par la 17ème chambre correctionnelle du Tribunal de Grande Instance de Paris.
La diffamation est définie et réprimée par la loi sur la Liberté de la Presse du 29 juillet 1881. Un prévenu, poursuivi pour diffamation, est présumé être de mauvaise foi. Les possibilités d’échapper à une condamnation en matière de diffamation, hors les questions de vice de procédure, sont très restreintes, il s’agit essentiellement de plaider et prouver « la bonne foi » ou, mieux encore, de plaider et prouver « l’exception de vérité ».

Dans ce genre de cas, les personnes poursuivies se limitent le plus souvent à plaider la bonne foi. Les conditions définies par la jurisprudence imposent alors de démontrer la recherche d’un but légitime et sincère, l’absence d’animosité personnelle, la prudence dans l’expression et l’existence d’une enquête préalable et sérieuse. On peut se tromper de bonne foi...
Mais face à un organisme qui fait la promotion d’un poison mortel, il est impossible de s’en tenir là. C’est pourquoi l’Andeva fait le choix de plaider l’exception de vérité, afin que le débat ait lieu sur le fond.
La preuve de la vérité est strictement définie par la jurisprudence. Elle n’est reconnue par le juge que si « cette preuve est complète, parfaite et corrélative aux diverses imputations formulées, dans leur matérialité et leur portée ».
L’Andeva estime être en mesure d’apporter l’exacte preuve des affirmations contenues dans l’article incriminé. Il nous semble important que la justice statue sur la véritable nature des activités de nos adversaires.

Documents et témoins

Dans le délai de rigueur (dix jours !) l’Andeva fournis fin janvier 2009 plus de 60 documents, accompagnés d’une liste de 9 témoins (4 nord-américains et 5 européens) pour prouver notamment que l’Institut du Chrysotile est bien un «  organisme de propagande et corruption  ».
Les documents comportent entre autres des textes scientifiques, des documents officiels (français, canadiens ou émanant d’organismes internationaux) concernant l’amiante en général, le financement de l’Institut du Chrysotile en particulier, les écrits de l’Institut du Chrysotile et des « scientifiques » sur lesquels il s’appuie.
Les témoins viennent notamment du Canada et des Etats-Unis : parmi eux, la canadienne Kathleen Ruff, une militante associative, coordinatrice de l’alliance pour la Convention de Rotterdam et auteur du rapport de l’Institut Rideau « Quand le Canada exporte le mal : la vente de l’amiante dans les pays en développement » ;

Kathleen Ruff en 2013 à Paris

Pat Martin, député au parlement canadien, qui a travaillé dans sa jeunesse dans les mines d’amiante et défend l’interdiction de l’amiante au Canada ; Barry Castleman, américain, consultant environnemental, auteur de nombreux travaux concernant l’amiante, notamment du livre « Asbestos : Legal and Medical aspects » (Amiante : aspects légaux et médicaux). Tous trois seront présents en 2013 à Paris aux journées internationales des victimes de l’amiante organisée par l’Andeva au Palais du Luxembourg.

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Barry Castleman en 2013 à Paris


Aurtre témoin, David Egilman, médecin américain, professeur de santé publique à Brown University, qui est intervenu comme expert dans de nombreux procès liés à l’amiante aux États-unis. Ses travaux décrivent les méthodes de corruption de la littérature médicale par les grands groupes industriels et en particulier par les industriels de l’amiante.

L’Institut du Chrysotile jette l’éponge

La première audience, dite de fixation, doit avoir lieu le 3 mars 2009, à 13h30, à la 17ème chambre du Tribunal Correctionnel de Paris.
Au dernier moment, le matin de l’audience, par une lettre de son avocat datée du 3 mars 2009, adressée au Président de la 17ème Chambre du Tribunal Correctionnel de Paris, l’Institut du Chrysotile annonce qu’il se désiste de sa constitution de partie civile, ce qui entraîne la fin de la procédure.

L’Institut du Chrysotile affirme que les témoins cités et les documents produits n’avaient rien à voir avec la plainte et dit aussi craindre que la défense instrumentalise l’audience pour instruire publiquement le procès de l’amiante !

L’Institut avait pourtant la possibilité de produite des contre-preuves, s’il estimait qu’il avait été effectivement diffamé. Il a été incapable de le faire.
Il savait aussi que faire admettre à un tribunal l’exception de vérité n’est pas chose aisée.
Pourquoi a-t-il donc opéré cette retraite aussi spectaculaire que tardive ? Il n’y a qu’une réponse plausible à cette question : ce désistement en est fait un aveu bien involontaire que les affirmations contenues dans l’article du Bulletin de l’Andeva sur l’Institut du Chrysotile sont parfaitement fondées et étayées.

A suivre…

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