Actualité de l'Andeva, l'association nationale de défense des victimes de l'amiante et autres maladies professionnelles
Michel SALARD était une figure du combat contre l’amiante. Membre du Caper Eternit Caronte aujourd’hui dissous, il avait travaillé chez Eternit. Il avait perdu son épouse, victime d’un mésothéliome environnemental qu’elle avait contracté en lavant régulièrement ses bleus de travail. Il était lui-même atteint d’une asbestose. Trois de ses amis témoignent ici.
Nicolas CRISTOFIS ; ancien président du Caper Eternit Caronte
« Aujourd'hui, un triste jour, avec la disparition de notre ami, Michel SALARD. Il s'est éteint à l'hôpital de Martigues ce samedi.
Nous connaîtrons la cause de son décès, dans les jours qui viennent. Peut-être l'amiante ?
Toi, qui m'a fait confiance, malgré mon jeune âge, 19 ans et m'a formé, à l'époque, à Eternit.
Tu m'as tout appris sur la défense des personnels d'Eternit pour reclasser les personnels. A la lutte contre le fléau de l'amiante. La persévérance dans le combat syndical à la tenue des CHSCT. Toi, qui m'a vu naître et avec qui j'ai une histoire croisée, familiale et militante. Qui ne m'a pas lâché, même devant l'adversité.
Parfaitement, intègre, qui pourtant, tu avais, aussi, subit les affres de la calomnie.
Homme et militant exemplaire et remarquable, qui ne ménageait aucun effort pour défendre, comme on dit, la veuve et l'orphelin. Toujours disponible, pour tous. Ne voyant que l'intérêt des travailleurs ou des victimes de l'amiante. Je me suis fait un point d'honneur à ne pas te décevoir, lorsque tu m'as demandé de prendre la présidence du CAPER. Que tu avais créé avec Vincent SALAS et quelques amis et camarades.
Avec les copains, nous nous étions investis, pour te rendre hommage, comme militant, hors pair. Nous avions obtenu, ce qui était pour le moins, "l'ORDRE NATIONAL DU MÉRITE". (l'article.)
Reconnaissance de la France pour ceux qui œuvrent pour l'intérêt de tous.
Une page de ma vie se tourne. Cinquante ans de militantisme, donc 27 ans avec toi.
Beaucoup te connaissaient, te respectaient, pour ton engagement, ta persévérance. Ton savoir, ta culture éclectique, religieuse, politique, historique, ta mémoire infaillible, forçaient le respect. Tes colères les rires, de tous.
Tu étais notre mémoire dans le combat contre ETERNIT. Un livre se ferme.
Le monde du militantisme perd un battant. Un monstre sacré exemplaire, qui s'est battu jusqu'au bout. Tu as perdu ton dernier combat contre l'âge et la maladie.
Mon ami de toujours, mon frère de lutte, mon mentor, tu vas rejoindre Zoé, ta femme, tuée par l'amiante, elle aussi. Comme tant d'autres.
Repose en PAIX. Tu l'as bien mérité.
(Je n'aurais jamais cru, qu'il me serait si difficile d'écrire ces mots pour toi.)
Michel LEDOUX : avocat de Michel Salard.
« Michel SALARD est décédé.
J’aurais dû écrire Monsieur Michel SALARD. Sacré personnage qui ne ressemblait à personne dans l’univers des militants de la santé au travail et de l’amiante en particulier.
Longiligne, toujours droit comme un jeune homme, élégant, presque gaullien, on l’imaginerait volontiers descendre de sa DS noire en revenant de son Colombey-les-Deux-Eglises.
Il était très cultivé et j’ai parfois assisté dans le local de l’association, à des échanges érudits entre Michel et son inséparable Nicolas.
Sauf erreur de ma part, c’était également (et ce n’est pas contradictoire), un sacré pêcheur (à la ligne bien entendu …)
Compte tenu de sa prestance, le premier contact avec lui était plutôt intimidant mais très vite il vous regardait avec l’œil amusé et bienveillant de celui qui en a vu d’autres et qui n’a rien à prouver et qui n’a pas besoin d’élever la voix pour être écouté.
Il n’était jamais péremptoire, toujours modeste mais pertinent.
Bref, il faisait partie de ces personnages rares, doté d’une classe naturelle… On dirait aujourd’hui de charisme qu’il a tout au long de sa vie mis au service des travailleurs.
Merci Michel. Jamais personne ne t’oubliera ».
Alain BOBBIO : secrétaire national de l’Andeva
« Michel Salard nous a quittés.
C'était une grande figure de la lutte contre Eternit. Un infatigable et incorruptible défenseur et porte-parole naturel des ouvriers et des victimes du travail.
L'annonce de son décès a fait remonter tant de souvenirs. Il m'avait souvent hébergé chez lui, en toute simplicité, lorsque je venais de Paris à Port-de-Bouc, pour une assemblée générale du Caper Eternit Caronte. Je me réjouissais par avance de pouvoir échanger avec lui.
C'était un militant syndical CGT hors du commun, porteur d'une formidable mémoire des luttes ouvrières de la région. Après la fermeture de l'usine Eternit de Caronte, il avait gardé d'imposantes archives en vue des actions judiciaires à venir contre l'employeur.
C'était aussi un homme de haute culture, passionné de généalogie et d'histoire. Un véritable érudit.
L'amiante d'Eternit avait ruiné sa santé. Pour faire reconnaître l'origine professionnelle de son asbestose, il avait dû soulever des montagnes. Dans son dossier, un médecin peu scrupuleux avait écrit : "fumeur", alors qu'il n'avait jamais fumé !
Son épouse, contaminée en lavant ses vêtements de travail poussiéreux, avait été emportée par un mésothéliome après de terribles souffrances. Les délégués du personnel avaient réclamé en vain que l'entreprise prenne en charge le lavage des bleus. "Nous ne sommes pas une laverie", avait répondu la direction avec morgue.
Pour Michel, la solidarité n'avait pas de frontières. Il s'était rendu en Italie, à Turin, pour soutenir les victimes italiennes d'Eternit qui avaient engagé un procès pénal contre le milliardaire suisse Schmidheiny.
Il aura quitté ce monde sans voir en France le procès pénal que les ouvriers d'Eternit attendent depuis un quart de siècle.
Michel Salard restera dans nos mémoires. »