Actualité de l'Andeva, l'association nationale de défense des victimes de l'amiante et autres maladies professionnelles
En présence d’une assemblée de 200 personnes, le conseil communal de Kapelle-op-den-Bos et les membres de l’Abeva ont dévoilé jeudi soir une sculpture en bronze intitulée « À bout de souffle » de l'artiste de Guido Van Causbroeck. La statue, placée sur l'espace vert nouvellement construit sur la place du marché est un hommage à toutes les victimes de l'amiante que la société Eternit installée dans cette commune a provoqué. Eric Jonckheere, président de l’Abeva et cinquième membre de sa famille à être atteint d’un mésothéliome, était présent.
Kapelle op-den-bos est une petite ville du Brabant flamand, située à 15 kms de Bruxelles, au bord d’un canal et près de laquelle est installée une usine Eternit. Il y a eu jusqu’à 3000 ouvriers qui travaillaient dans cette usine, - il en reste plus de 600 aujourd’hui -, ce qui explique une grande dépendance historique de la collectivité locale vis-à-vis de l’employeur, certes moins forte aujourd’hui mais toujours prégnante. Kapelle-op-den-Bos a longtemps été Eternit, et Eternit était Kapelle-op-den-Bos. Presque toutes les familles de la communauté avaient des membres qui travaillaient dans l'usine.
Mais qui dit usine Eternit dit victimes de l’amiante à proximité et Kapelle ne fait pas exception à la règle. Et pas seulement parmi les anciens salariés. Partout à Kapelle-op-den-Bos et dans ses environs, on trouvait des matériaux contenant de l'amiante dans les habitations, les clôtures, les toits, les rues, les chemins, etc. (Des opérations récentes d’assainissement local ont en partie amélioré la situation). C’est pourquoi la direction avait mis en place pour ses salariés dans les années 80 un système d’indemnisation privé pour l’asbestose qui s’est étendu au mésothéliome dans les années 2000. Il s’agissait d’une convention confidentielle entre l’ouvrier atteint et l’entreprise. Ce système a perduré jusqu’à la création du fond amiante en 2007 qui a été le résultat du combat de l’Abeva, celle-ci s’étant qui inspiré de l’exemple français avec le Fiva.
La population de Kapelle a longtemps été acquise à l’entreprise, qui fournissait emploi et de multiples services à ses employés (espaces sportifs, avantages logement, etc …). Beaucoup ne voulaient pas voir les conséquences sur la santé, qui ont d’ailleurs mis du temps à émerger, ou avaient des difficultés à accepter l’idée que l’entreprise dont ils dépendaient tant leur coûtait aussi leur santé – sinon la vie -, d’autant plus que les syndicats et la municipalité jouaient aussi la coopération avec la direction pour défendre un emploi vital pour la population environnante, souvent d’origine agricole. Tout cela crée une sorte d’emprise sur les esprits, faite de sentiments mélangés, et dont il est difficile de se défaire
Au début, des actions d’associations comme l’ABEVA, pouvaient être perçues avec un peu de méfiance, comme lors de la première réunion organisée sur place par l’Abeva en 2007. S’y ajoutait le fait que beaucoup de membres de l’Abeva étaient francophones, comme les anciens directeurs et cadres de l’usine, francophones et aisés, alors que les ouvriers dont les familles habitaient Kapelle étaient flamands et néerlandophones, de condition socio-économique modeste. Difficile dans ces conditions de faire exploser le « doofpot « (pot à vapeur ou « éteignoir ») !
Mais les choses se sont bien améliorées de ce côté là depuis ces débuts difficiles et c’est malheureusement la multiplication des maladies dans la population locale qui est à l’origine de ce rapprochement. Des victimes locales ou leurs proches ont commencé à participer au travail de l’ABEVA.
Une association locale de victimes de l’amiante à Kapelle portant le nom de « Willy Vanderstappen », - un leader écologiste local décédé d’un mésothéliome – a même été créée. Celle-ci a mis en place un rallye cycliste, organisé chaque année, et dont le trajet tourne autour de l’usine. A Kapelle, on n’est plus décidé à laisser ses morts de l’amiante passer par pertes et profits.
C’est également l’élection d’un nouveau Bourgmestre, Renaat Huysmans, ancien médecin qui a fait une grande partie de sa carrière à Kapelle, qui a tout changé. « Je voyais passer entre trois et cinq cas de mésothéliome chaque année dans mon cabinet » nous a-t-il confié. « Et certains d’entre-eux étaient de mes amis ». » Concernant la cérémonie du jour, il ajoute : « L'association des victimes de l'amiante réclame depuis longtemps un lieu de réflexion, un monument quelque part qui puisse servir de témoin silencieux des souffrances endurées par de nombreuses personnes. Nous avons donc souhaité ériger un monument à la mémoire de toutes les victimes de l’amiante », explique-t-il.
« Nous avons contacté l'artiste et sculpteur Kapels Guido Van Causbroeck pour lui demander s'il souhaitait créer un tel monument », précise le bourgmestre. « Je lui suis extrêmement reconnaissant d’avoir immédiatement accepté ce défi et de l’avoir relevé. »
« La statue a été intégrée dans un espace vert nouvellement aménagé de la place du marché, près du centre administratif, dans un lieu où la communauté se rassemble, où les histoires se partagent et où l'espoir se trouve dans l'unité. C’est une invitation à chacun de faire une pause, de réfléchir et de reconnaître que derrière chaque chiffre se cache une histoire humaine ».
Eric Jonckheere, le président de l’Abeva était présent au premier rang. Il s’est levé pour dévoiler la statue malgré un mésothéliome qui l’oblige désormais à se déplacer souvent en fauteuil roulant. Il continue à mener une action en justice contre Eternit pour dommages et intérêts. Pour lui, l’installation de ce monument est très importante ». "Enfin, Kapelle-op-den-Bos dispose désormais d'un lieu où sont commémorées les victimes, après des années d'opposition de la part de l'entreprise", dit-il. « Espérons que cela donnera également aux politiciens le courage de rappeler à Eternit ses obligations. La Belgique regorge encore d'amiante, notamment dans de nombreux bâtiments scolaires. Quel homme politique a le courage d’obliger Eternit à financer sa dépollution » ?
C’est ensuite Marijke Van Buggenhout qui est intervenue au micro devant la statue dévoilée au nom de l'Abeva et de son père, également atteint de mésothéliome. Vous trouverez le texte de son intervention au bas de cet article.
La cérémonie s’est terminée par un verre dans la maison communale qui surplombe à présent le monument autour duquel continuaient de se dérouler des discussions animées.
vous trouverez ci dessous les discours du bourgmestre et de l'Abeva tenus ce jour là.
Le discours de Marijke Van Buggenhout pour l'ABEVA.
Le discours de Renaat Huysmans, bourgmestre de Kapelle op-den-bos