Caper Bourgogne : inauguration de deux stèles en hommage aux victimes du travail et de l'amiante

Le jeudi 22 octobre 2015, plus de 300 personnes se sont donné rendez-vous à Paray le Monial à l’invitation des élus du Caper Bourgogne.

C’est au niveau du rond-point qui sépare la rue de Bourgogne et l’avenue de Chalons, sur un terrain appartenant au lycée Astier, qu’ont été inaugurées deux stèles contiguës et presque jumelles. La première en hommage à toutes les victimes du travail, la seconde spécifiquement dédiée aux victimes de l’amiante, si nombreuses dans cette région où l’entreprise Eternit avait pris ses quartiers.

A ce jour, 133 décès dus à l’amiante ont été recensés sur le site de Vitry en Charollais. Le Caper, lui, en a recensé plus de 300 parmi ses adhérents depuis sa création, soit autant que de personnes présentes ce jour-là.

C’est une vraie satisfaction d’avoir enfin obtenue cette stèle, reconnaissait avec émotion Henri Desgranges, 78 ans, dont l’épouse, Odette, est décédée en 2000 pour avoir respiré 20 années durant des fibres d’amiante en lavant ses bleus de travail. Il faut dire qu’il en a fallu des courriers, des rencontres, des manifestations, et même une pétition pour obtenir l’aval d’une mairie très réticente. Au final, 12 ans de démarches ont été nécessaires pour en arriver à cette cérémonie, grâce à l’aide active de Nathalie Vermorel, conseillère régionale de la région Bourgogne présente aujourd’hui, et de Jacques Rebillard qui a également soutenu le projet.

Dans son discours inaugural, Jean François Borde, le président du Caper, a fait un résumé de l’histoire régionale liée à l’entreprise Eternit et des conséquences désastreuses qui en ont résulté. Il a rappelé l’appartenance d’Eternit à la chambre syndicale de l’amiante et sa responsabilité dans la mise en place du Comité permanent amiante (CPA) qui a longtemps œuvré pour empêcher l’interdiction de l’amiante en France.

Il est revenu sur une date importante : 1982, date de l’interdiction de l’amiante bleue. Cette manœuvre destinée à laisser penser qu’une autre forme d’amiante, blanche celle-ci, était sans danger, a permis de poursuivre l’exploitation du matériau et entrainé la contamination de dizaines de milliers de personnes supplémentaires. C’est dans le même temps que le terme « amiante-ciment » a été abandonné au profit de celui de « fibrociment ». Ou comment mettre le politiquement correct au service de l’industrie de l’amiante.

C’était aussi la période pendant laquelle se sont succédé les plans de licenciements chez Eternit. Plus les effectifs de l’entreprise baissaient, plus le nombre de malades et de morts augmentait. Et cette tendance s’est poursuivie en accélérant, jusqu’à l’interdiction définitive annoncée par le ministre Jacques Barrot en 1996.

Sylvie Topaloff, avocate de l’association et invitée ce jour-là en compagnie de Jean Paul Teissonnière, a évoqué le pan pénal du dossier Eternit dont le procès se profile à l’horizon 2016. L’instruction arrive à son terme et Eternit ne pourra plus se défiler comme elle a tenté de le faire systématiquement depuis le début des procédures au civil. L’échéance est importante et il va falloir s’y préparer minutieusement.

Rappelons pour l’occasion ces scandaleux recours en inopposabilité pratiqués par Eternit, quand elle profitait d’une législation défaillante pour faire payer à la caisse AT-MP les indemnisations qu’elle était condamnée à verser aux victimes contaminées dans ses usines. Et ajoutons que si ces recours sont désormais impossibles, Eternit (à l’instar de l’entreprise Latty, autre ancien du CPA) se retourne à présent contre l’état pour exiger de lui le remboursement de la moitié de ses condamnations financières, sous prétexte d’une réglementation insuffisante au moment des faits (alors qu’ils ne l’ont jamais appliquée non plus, toute insuffisante qu’elle soit). Tous les arguments, même les plus douteux, lui semblent bons lorsqu’il s’agit de fuir ses responsabilités et de nier les souffrances infligées.

Alain Bobbio de l’Andeva a évoqué le pan international du drame provoqué par Eternit à travers les victimes Belges et Italiennes de Casale Monferrato. Il a décrit la cruelle déception de ces dernières au sortir de la cour de cassation de Rome en novembre 2014, tout en rappelant qu’elles ont au moins eu droit à un procès que les victimes françaises attendent encore.

Trois gerbes ont ensuite été déposées devant la stèle par le Caper, la Fnath et le conseil départemental de Bourgogne, avant qu’une minute de silence ne soit observée par une assemblée très émue. Puis ce sont 300 roses que les participants ont posées une à une sur le socle de marbre, symbolisant en cela les 300 adhérents du Caper morts de l’amiante depuis sa création.

Cette cérémonie s’est terminée devant un grand buffet installé dans la salle des fêtes.